samedi 18 février 2012

Eyeless in Gaza - Photographs as Memories (1981)

Cherry Red (Virgin) 201877

Eyeless in Gaza c'est un duo : Martyn Bates - voix, instrumentation et Pete Becker - instrumentation, voix (c'est comme ça que c'est marqué sur la pochette).
L'instrumentation en question est assez minimaliste mais on y remarquera en vrac des percussions plus ou moins électroniques, de la guitare électrique, des synthés et quelques instruments à vents non identifiés. Quant à la voix c'est, pour caricaturer, le timbre de Robert Smith avec l'articulation de Peter Hammill.

En fait même Martyn Bates se décroche tellement la mâchoire pour mâchouiller et recracher ses mots que Peter Hammill passerait pour un modèle de retenue en comparaison. Mais la performance vocale sans concession n'est pas la seule source d'attrait (il faut peut-être même aussi prévenir que pour certains elle constituera la principale source de répulsion) de ce premier album (d'une très longue série, que je ne connais pas pour l'instant) du groupe anglais, car la musique est également très audacieuse dans un genre que l'on peut qualifier globalement de new-wave (les occasions sont nombreuses où l'on pense aux Cure dans une version extrême) voire de cold-wave (le plus long morceau "Knives Replace Air" est un modèle du genre, à rapprocher particulièrement, même en l'absence de toute rythmique, des élégies de Joy Division et The Durutti Column) bien que cela paraisse plus souvent révolté qu'à proprement parler glauque, avec une inspiration qui pioche jusque dans la musique arabe ou le free-jazz (ce n'est pas de la musique à danser) ; et c'est un miracle si une telle expérimentation ne nuit pas davantage à l'écoutabilité du disque : une seule chanson (à savoir "John of Patmos", à la fin de la 1ère face) finit par basculer vraiment dans le n'importe-quoi, les 12 (oui, douze, certaines sont très courtes) autres ne sacrifient généralement pas la qualité mélodique ni l'intensité émotionnelle, en particulier la dernière "No Noise" qui se trouve aussi être la probablement plus "normale" du lot (Robert Smith tu peux aller te rhabiller. Et puis t'iras chez le coiffeur aussi).

La pochette à l'avant n'est pas géniale (ça fait quand même un peu "Closer du pauvre")...

... à l'arrière c'est beaucoup mieux, et davantage dans l'esprit artistique du contenu. Car à mon sens, avec cette œuvre Eyeless in Gaza se hisse parmi ces groupes qui, tels Pere Ubu, Magazine ou P.I.L. (voire les Talking Heads), ont à la fin des 70s/début des 80s prolongé l'esprit du rock progressif tout en en rejetant certains aspects formels et techniques devenus un carcan ridicule. C'est une musique qui trouve sa résonance dans les humeurs de l'auditeur et non dans la complexité de sa propre construction (que l'on pourrait peut-être même juger bâclée). C'est certainement aussi une musique qui appelle à l'adorer ou à la haïr, mais qui ne doit pas laisser indifférent.

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